C’est avec stupéfaction que les membres du Codhos ont appris le décès soudain d’Anthony Lorry. Il nous manquera cruellement, ainsi qu’à notre association. Il était pour toutes et tous un ami. Il faisait consensus, et c’est rare. On souriait quand on le voyait apparaître, gai, actif et pressé et, bien sûr, on comptait sur lui pour beaucoup de choses, peut-être un peu trop. Il ne disait jamais non, ce qui était sans aucun doute son plus grand défaut. Alors on n’hésitait pas : on lui demandait de vérifier une collection, d’envoyer un document numérisé, ou de rechercher une obscure petite brochure, on lui posait une question sur ses chers anarchistes, sur les Le Playsiens (eh oui il en était tout aussi spécialiste) ou sur d’autres champs de l’histoire sociale, on lui demandait de corriger les bugs de notre site Internet ou même, il fut un temps, de développer ce site et de le gérer. Et toujours Anthony répondait, envoyait rapidement le document demandé, réinstallait le plugin défectueux, trouvait la brochure dans un carton du Musée social, consultait ses notices biographiques, vérifiait ses collections ou renseignait de mémoire. Il y avait une sorte de symbiose entre lui et l’admirable fonds documentaire du Cedias-Musée social, dont il s’était, lui qui y avait été lecteur, objecteur de conscience puis bibliothécaire, approprié les moindres aspects, se constituant ainsi un savoir inépuisable qui enrichissait une culture et une sensibilité profondément libertaires. En Afrique il est un proverbe célèbre qui dit : « Quand un vieil homme meurt c’est une bibliothèque qui brûle ». Anthony, quant à lui était un homme jeune mais avec sa mort c’est bien une bibliothèque qui a brûlé.

Anthony fut aussi le premier secrétaire du Codhos. Il participa dès le tout début aux activités de notre association, dont La première réunion s’était d’ailleurs tenue au Musée social, qui en est resté le siège. C’est Anthony qui mit au point le premier fichier qui permit de répertorier puis de numériser les divers documents afférents aux congrès du monde ouvrier. Cela n’a peut-être l’air de rien mais c’est le travail qui fit démarrer le Codhos : ce projet commun où chacun s’investit, au-delà des appartenances politiques ou syndicales, souda le collectif. Et Anthony, outre son propre travail de repérage, écrivit de nombreuses notices dans l’inventaire des Congrès du monde ouvrier en France (1870-1940) premier ouvrage des collections Codhos. Il ne s’agit pas ici d’énumérer toutes les activités qu’il mena au sein du collectif, il y aurait trop à dire. Mais il faut quand même citer, pour mémoire, l’Inventaire de la presse socialiste, troisième volume de la collection Codhos qui lui doit beaucoup alors même que son nom n’apparaît qu’en petits caractères au verso de la couverture. C’était cela aussi Anthony : travailler et encore travailler mais sans jamais se mettre en avant. A l’époque et pour ce volume une préface fut rédigée qu’il cosigna. La présentation de cet inventaire se tint au CEDIAS en sa présence active. Il s’occupa aussi pour le Codhos de donner corps à la convention passée avec la BNF sur la numérisation des congrès ouvriers, puis des revues. Il fut le référent pour la BNF du Codhos. Dernièrement, sa participation fut active et décisive dans la mise en place de notre nouveau site Internet en 2013.

Ce qui rendait Anthony si précieux dans un Collectif comme le Codhos , c’était une alliance rare de qualités : celles du militant, capable d’enthousiasme ; celles du chercheur capable de publier ; celle de l’érudit toujours disposé à partager généreusement ses connaissances ; celles du technicien capable de bricoler n’importe quel ordinateur ; celles de l’archiviste-bibliothécaire maîtrisant les savoirs bibliothéconomiques les plus pointus; celles aussi du digital humanist , ouvert –et là son tempérament anarchiste jouait surement un rôle – à l’Open access, au partage des documents et de la connaissance sur le web, ouvert aux technologies les plus récentes. La bibliothèque numérique Gallica , et donc un large public de chercheurs ou de curieux, lui doivent beaucoup, car nombre de collections rares concernant l’histoire sociale furent numérisées par ses soins ; Le social history portal aussi, expérience internationale unique dans le champ du social , dans lequel il versa récemment la totalité du catalogue du Musée social. Il est rare, précieux et exceptionnel de trouver ces qualités chez un même individu. Anthony était bien un être rare, précieux et exceptionnel.

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